Information sur les questions de santé au travail en période de Covid 19

La situation sanitaire liée à la pandémie du Covid 19 crée une situation exceptionnelle. Des mesures d’une ampleur souvent inconnue ont été prises. Dans le cadre de l’état d’urgence, l’une d’entre elles modifie le temps de travail légal dans certains secteurs, tandis qu’une autre permet la prise de congés payés à l’initiative de l’employeur. Ces mesures sont présentées comme dérogatoires au Droit du travail, mais cela n’abolit pas pour autant le Droit du travail.
Le maintien de l’activité dans certaines situations ne va pas sans poser un certain nombre de problèmes : quels productions et services est-il légitime et nécessaire de maintenir dans le contexte sanitaire actuel ? Lesquels sont utiles à la collectivité ou pas ? Force est de constater que les réponses sont très variables d’une entreprise à l’autre.
Si les salarié.e.s du tertiaire, les cadres, etc. ont massivement recours au télétravail, pour les ouvrier.e.s, les technicien.e.s, le personnel soignant, les livreu.rs.ses, les salarié.e.s de l’agroalimentaire, les postier.e.s, etc. c’est une autre histoire. Ils et elles sont davantage contraint.e.s de continuer à travailler et de s’exposer à des risques accrus de contamination
Voici quelques éléments concernant les droits des salarié.e.s et les obligations de l’employeur qui restent plus que jamais valables :
1/ L’employeur a des obligations
L’employeur a une obligation de sécurité : il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (L4121-1 du Code du travail).
Ces mesures doivent comprendre, entre autres (L4121-1 du Code du Travail) :
– des actions de prévention des risques professionnels,
– des actions d’information et de formation,
– la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
Concernant les mesures que l’employeur doit mettre en place, le principe général est que l’on doit adapter le travail à l’humain (et non l’inverse). Ce principe s’applique en particulier à la conception ou l’aménagement des postes de travail, ainsi qu’au choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production. Ainsi, face au risque du Covid-19 l’employeur ne peut se contenter de rappeler les « gestes barrière », il doit adapter les postes de travail et l’organisation du travail aux salarié.e.s.
Les articles L4121 et suivants du Code du travail détaillent ces obligations.
L’employeur doit également organiser et dispenser une information des travailleurs sur les risques pour la santé et la sécurité, et les mesures prises pour y remédier (L4141-1 du Code du Travail).
2 / Les CSE peuvent agir (ou les CHSCT là où ils existent encore)
L’employeur doit consulter le CSE notamment sur :
- tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (L2312-8 du CT),
- les conditions d’emploi, de travail, notamment la durée du travail (L2312-8 du CT),
Et, n’oubliez pas qu’en tant que membres du CSE, pour toutes les questions relevant du champ de la santé, de la sécurité et des conditions de travail, vous pouvez susciter toute initiative que vous estimez utile et faire des propositions (notamment d’actions de prévention). L’employeur a obligation, s’il refuse, de motiver son refus (L2312-9 du CT).
Vous avez un droit d’alerte en cas de danger grave et imminent (DGI) (L4131-2 du CT).
Vous avez un droit d’alerte en cas de risque grave pour la santé publique ou l’environnement (L4133-2 du CT).
Vous pouvez saisir l’inspection du travail de toutes les plaintes et observations relatives à l’application des dispositions légales dont elle est chargée d’assurer le contrôle (L2312-5 du CT par application du L2312-8 du CT), notamment les dispositions relatives à la santé et à la sécurité au travail.
3/ Concernant le mandat des élu.e.s représentant.e.s du personnel:
Jusqu’ici les entreprises ne pouvaient imposer la mise en activité partielle aux représentant.e.s du personnel.
L’ordonnance du 27 mars 2020 modifie désormais cette question :
Les entreprises peuvent désormais imposer la mise en activité partielle aux représentant.e.s du personnel. Mais les élus peuvent continuer d’exercer leur mandat, même en étant en activité partielle. Ils et elles, peuvent continuer à prendre leurs heures de délégation et à assumer toutes leurs missions auprès des salarié.e.s. La jurisprudence a toujours rappelé que les mandats ne sont pas suspendus en cas de chômage partiel.
Les heures de délégation peuvent être dépassées en cas de circonstances exceptionnelles. A l’évidence la situation actuelle relève de circonstances exceptionnelles. La Ministre du Travail l’a d’ailleurs reconnu. Les représentant.e.s du personnel doivent pouvoir exercer leur mandat et se concentrer sur la gestion de la crise, sans perdre du temps et de l’énergie à devoir se préoccuper de leur propre situation et sans subir de pression de leur hiérarchie.
4/ En cas d’épidémie et de risque lié à un agent biologique
Si le Code du travail prévoit que l’employeur doit prendre des mesures visant à supprimer ou à réduire ces risques, dans un cas tel que celui du Covid-19 auquel nous sommes confrontés, le danger vient des personnes infectées. Mais comment savoir qui est infecté ?
Pour réduire ce risque la solution efficace est d’arrêter le travail si les salarié.e.s sont amené.e.s à être en contact ou à proximité les uns des autres. L’article R.4424-3 du Code du travail précise en ce sens :
Lorsque l’exposition des travailleurs à un agent biologique dangereux ne peut être évitée, elle est réduite en prenant les mesures suivantes :
1° Limitation au niveau le plus bas possible du nombre de travailleurs exposés ou susceptibles de l’être ;
2° Définition des processus de travail et des mesures de contrôle technique ou de confinement visant à éviter ou à minimiser le risque de dissémination d’agents biologiques sur le lieu de travail ;
3° Signalisation dont les caractéristiques et les modalités sont fixées par un arrêté conjoint des ministres chargés du travail, de l’agriculture et de la santé ;
4° Mise en œuvre de mesures de protection collective ou, lorsque l’exposition ne peut être évitée par d’autres moyens, de mesures de protection individuelle ;
5° Mise en œuvre de mesures d’hygiène appropriées permettant de réduire ou, si possible, d’éviter le risque de dissémination d’un agent biologique hors du lieu de travail ;
6° Établissement de plans à mettre en œuvre en cas d’accidents impliquant des agents biologiques pathogènes ;
7° Détection, si elle est techniquement possible, de la présence, en dehors de l’enceinte de confinement, d’agents biologiques pathogènes utilisés au travail ou, à défaut, de toute rupture de confinement ;
8° Mise en œuvre de procédures et moyens permettant en toute sécurité, le cas échéant, après un traitement approprié, d’effectuer le tri, la collecte, le stockage, le transport et l’élimination des déchets par les travailleurs. Ces moyens comprennent, notamment, l’utilisation de récipients sûrs et identifiables ;
9° Mise en œuvre de mesures permettant, au cours du travail, de manipuler et de transporter sans risque des agents biologiques pathogènes. »
En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salarié.e.s (L1222-11 du CT).
Toute modification apportée au poste de travail pour des raisons de sécurité, qui entraînerait une diminution de la productivité, est suivie d’une période d’adaptation de deux semaines au moins pendant laquelle tout mode de rémunération au rendement est interdit (L4142-4 du CT).
Ainsi, une entreprise qui ne serait pas au minimum capable de fournir du gel hydro alcoolique, des équipements individuels tels que masques, gants, un aménagement des postes de travail pour mettre en sécurité chaque salarié, … ne remplirait pas ses obligations.
Mais surtout une entreprise qui ne mettrait pas en place une organisation du travail adaptée permettant d’éliminer ou de réduire drastiquement les risques de contamination ne remplirait pas ses obligations légales.
Cela pose au cas par cas la question de la nécessité de maintenir telle ou telle production et de son utilité en période de pandémie.
Dans de telles circonstances, les représentant.e.s du personnel, membres de CSE et des CSSCT ont un rôle majeur à jouer pour s’assurer que la santé de leurs collègues n’est pas mise en danger par des politiques de prévention insuffisantes, incomplètes ou inefficaces.
Pour cela des outils existent. Ceux du Droit et de la mobilisation collective.